2014 – Installation génétique
Travail en collaboration avec V. Bergoglio (Chercheuse à l’Inserm, Toulouse) et N. Langlade (chercheur à l’INRAE, Toulouse)
Description conceptuelle
Car l’héritage est ce leg historique qui nous construit à notre insu qu’on le subisse ou qu’on le chérisse. Avec lui se pose inévitablement la question de nos déterminismes et de nos origines. Jusqu’à quel point l’héritage social, culturel et familial nous détermine comme être et comme sujet ? D’autre part est-il seulement possible de s’affranchir des causes qui nous détermineraient et qui nous sont léguées dès notre naissance ?
Extraire une partie génétique pour la retransformer, c’est extraire ce supplément et ce trop de vie qui fait que je sens chaque jour cette pulsation de vie, me laissant dans ce trop en vie.
Extraire une partie de mon ADN pour le réincorporer c’est aussi me laisser la possibilité de réinventer symboliquement mon corps, car il est ce corps social et culturel auquel la singularité ne peut appartenir et dont la liberté est exclue.
Il y a ces phrases qui m’ont marquée et qui font référence à trois penseurs. J. Derrida écrivait, « vivre c’est se rendre indévorable » et « Survivre c’est manger et ne pas être mangé, mais, tôt ou tard, il est impossible de ne pas être mangé » formule quant à lui Pierre Bricage. Et Paul Audi explique que l’artiste n’est pas en vie, mais survit, se dépasse et se transforme, se réinvente et se recrée. Alors au travers de ces phrases j’ai voulu me rendre dévorable, pour ne pas vivre, mais survivre, c’est à dire finalement se faire manger pour se dépasser, se recréer.
C’est aussi un acte où se faire manger est une métaphore. Jusqu’où est-on prêt à manger l’autre ?
Jusqu’où autrui est de l’ordre du consommable. Ce devenir-proie et ce devenir-mangeable est aussi un acte symbolique. Je ne cherche pas à manipuler mon génome dans une perspective d’atteindre une surpuissance, au contraire, car se rendre proie cela signifie aussi refuser l’idée de la raison du plus fort. Devenir-dévorable, c’est cesser de vouloir vivre dans cette logique des guerres individualistes et être conscient que tôt ou tard, il est impossible de ne pas être mangé.
Il s’agit ici d’aborder le rapport à l’autre, qui est toujours de l’ordre de la dévoration, de la consommation puisque celui-ci est inabordable et est voué à l’espace solitaire du sujet. L’autre est toujours celui que je résous en moi même, je le dévore quelque part toujours.
Se rendre dévorable c’est aussi symboliquement se faire mourir pour se réinventer, enfin, s’auto-créer.
Description formelle
Ainsi nous avons prélevé l’ADN des personnes m’ayant élevée au sens d’une émancipation intellectuelle. Peut-être que l’idée d’auto-création et de transformation de ce qui nous détermine passe par la connaissance qu’il nous est transmis. Ce travail rend dès lors également hommage aux personnes qui possèdent un savoir émancipateur.
De l’ADN prélevé grâce aux laboratoires de l’INRA et de l’INSERM de Toulouse, nous en avons fabriqué des gâteaux à manger.










